Le sémaglutide oral (Rybelsus®), récemment arrivé sur le marché belge (mais actuellement uniquement en distribution parallèle et à usage hospitalier), est le premier des analogues du GLP-1 à être administré par voie orale. Le sémaglutide oral est indiqué, selon le RCP, chez les adultes pour le traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlé, en monothérapie quand l’utilisation de la metformine est considérée comme inappropriée, ou en association avec d’autres médicaments hypoglycémiants. Il se présente sous formes de comprimés dosés à 3, 7 et 14 mg. La dose quotidienne recommandée est de 3 mg une fois par jour pendant 30 jours, puis de 7 mg une fois par jour pendant 30 jours. Si nécessaire la dose peut être augmentée jusque maximum 14 mg une fois par jour.1
Le sémaglutide existe déjà sous forme injectable (spécialité Ozempic®) et s’administre 1x/semaine. L'administration du sémaglutide par voie orale est rendue possible par l’ajout du salcaprozate de sodium (ou SNAC pour sodium N-(8-[2-hydroxybenzoyl] amino) caprylate), qui évite la dégradation protéolytique de la molécule dans l’estomac et facilite son passage au travers de la muqueuse gastrique3. Le sémaglutide oral est le premier médicament autorisé en Union Européenne qui utilise cet excipient4, dont certaines propriétés affectent potentiellement sa sécurité d’usage5 (voir plus bas, Innocuité). Chaque comprimé, quel que soit le dosage du sémaglutide, contient la même dose de l’excipient. En raison du risque potentiel attribuable à l’excipient, il est recommandé de ne pas prendre 2 comprimés à 7 mg pour obtenir une dose de 14 mg5. La présence de nourriture et/ou d’une trop grande quantité d’eau dans l’estomac réduit l’absorption du sémaglutide oral, raison pour laquelle la prise doit être faite à jeun, avec une quantité limitée d’eau (120ml) et au moins 30 minutes avant la prise d’aliment, de liquide ou d’autres médicaments3. Le non-respect de ce strict mode de prise impacte potentiellement l’efficacité et la sécurité du sémaglutide oral.5
Le sémaglutide oral a été évalué dans une série d’études cliniques (programme PIONEER), dans de multiples situations cliniques, mais majoritairement sur un critère d’évaluation primaire intermédiaire: le contrôle glycémique3. L’effet sur le poids est évalué en tant que critère secondaire. Une seule, l’étude PIONEER 6 6, évalue le sémaglutide oral sur des critères cliniques, en comparaison au placebo, chez des patients avec diabète de type 2 et à risque cardiovasculaire élevé, et il s’agit d’une étude d’innocuité cardiovasculaire. Un essai est en cours, qui compare le sémaglutide oral au placebo sur la prévention d’une combinaison d’événements cardiovasculaires majeurs (SOUL trial) mais les résultats ne sont pas attendus avant 20243. Les études comparant le sémaglutide oral au placebo (PIONEER 1,5 et 8 + l’étude d’innocuité cardiovasculaire PIONEER 6)3, à la sitagliptine (PIONEER 3)3,7 et au liraglutide (PIONEER 4)3,8 sont des RCT en double aveugle. Les autres études du programme PIONEER sont des RCT "open-label", induisant un risque accru de biais.
En comparaison au placebo (PIONEER 1, 5, 6 et 8): le sémaglutide oral à la dose de 7 et de 14 mg par jour, est supérieur au placebo et permet une réduction supplémentaire en HbA1c de l’ordre de 1%3.
En comparaison à l’inhibiteur de la DPP4 sitagliptine (PIONEER 3 et 7):
Dans la RCT en double aveugle PIONEER 3, la différence en HbA1c en faveur du sémaglutide oral 14 mg/j est de 0,5%. Lorsqu’il s’agit d’établir la supériorité de l’effet hypoglycémiant d’un traitement par rapport à un autre, une différence en HbA1c ne commence à être pertinente sur le plan clinique qu'à partir de 0,5 %7.
Dans la RCT PIONEER 7, étude "open-label", la dose du sémaglutide oral était variable (à la fin de l’étude, environ 60% des patients prenaient 14 mg/j et 30 % 7 mg/j). On montre un bénéfice statistiquement significatif en faveur du sémaglutide oral (plus grande proportion de patients qui atteignent la cible d’HbA1c <7%)3. Le caractère open-label de cette étude rendent ces résultats moins fiables.
En comparaison à l’analogue du GLP1 liraglutide (PIONEER 4) : Il n’y a pas de différence entre le sémaglutide oral à la dose de 14 mg par jour et l’analogue du GLP1 liraglutide à la dose de 1.8 mg/j en sous-cutané8.
En comparaison à l’inhibiteur du SGLT2 empagliflozine (PIONEER 2): L’efficacité hypoglycémiante du sémaglutide oral n’est pas clairement supérieure à celle de l’empagliflozine. La différence en HbA1c en faveur du sémaglutide oral à la dose de 14 mg par jour en comparaison à l’empagliflozine à la dose de 25 mg/j est inférieure à 0,5% et le caractère "open-label" de cette étude justifie une réserve dans son interprétation3.
En comparaison au sémaglutide injectable: Étude de recherche de dose en phase 2 (RCT "open-label"): il n’y a pas de différence dans le contrôle glycémique entre le sémaglutide injectable à la dose de 1mg/semaine et le sémaglutide oral aux doses de 20 et 40 mg/j. Il n’y a pas de comparaison disponible avec le sémaglutide oral à la dose de 14 mg/j9.
Effet sur le poids
Le sémaglutide oral est généralement associé à une perte de poids, tant en comparaison au placebo (perte de l’ordre de 2,5 à 3,5 kg), qu’en comparaison à la sitagliptine (perte de l’ordre de 2 kg), et même au liraglutide, appartenant à la même classe thérapeutique (perte de l’ordre de 1,2 kg). Il n’y a pas eu de différence de poids dans l’étude ayant comparé le sémaglutide oral et l’empagliflozine3.
Effet sur des critères cliniques?
Dans l’étude PIONEER 6 (étude d’innocuité cardiovasculaire), on a comparé la survenue d’une combinaison d’événements cardiovasculaires majeurs (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortels) dans le groupe traité par sémaglutide oral (82% des patients prenaient 14 mg/j de sémaglutide oral à la fin de l’étude) par rapport au groupe placebo6. Les patients inclus dans cette étude étaient à risque cardiovasculaire élevé (85 % présentaient soit des antécédents cardiovasculaires soit une insuffisance rénale chronique et les 15% restant étaient âgés de 60 ans ou plus et présentaient des facteurs de risque cardiovasculaire).
Il n’y a pas eu de différence significative entre les 2 groupes. L’innocuité cardiovasculaire du sémaglutide oral est démontrée. L’efficacité du sémaglutide oral, en comparaison au placebo, sur les complications cardiovasculaires du diabète est en cours d’évaluation (étude SOUL).
Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés avec le sémaglutide oral sont d’ordre gastro-intestinal (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée et constipation), comme avec les autres analogues du GLP-1 injectables. Ils sont en général légers à modérés et transitoires, principalement pendant la phase d’escalade de dose3.
Dans les études cliniques du programme PIONEER, il y a eu généralement plus d’arrêts de traitement en raison d’effets indésirables dans les groupes traités avec le sémaglutide oral3.
Certains risques rencontrés lors de l’usage des analogues du GLP-1 injectables ont fait l’objet d’une surveillance particulière avec le sémaglutide oral:
L’incidence des pancréatites aigues a été globalement faible, avec des taux similaires entre les groupes.
Le risque de rétinopathie diabétique rencontré dans l’étude SUSTAIN 610 avec le sémaglutide injectable a justifié une sélection plus stricte des patients dans le programme PIONEER3. La rétinopathie proliférative et la maculopathie nécessitant un traitement étaient des critères d’exclusion. Malgré cette précaution, le rapport d’évaluation européen de la molécule (EPAR) mentionne que la proportion de patients présentant des événements en lien avec la rétinopathie diabétique a été supérieure dans les groupes ayant reçu le sémaglutide oral par rapport à leurs comparateurs et que la rétinopathie diabétique doit être considérée comme un effet indésirable du sémaglutide oral4.
La présence de l’excipient salcaprozate de sodium donne lieu à des risques spécifiques.
Son mode d’action pourrait perturber l’absorption d’autres médicaments pris concomitamment, ce qui constitue un risque d’interactions médicamenteuse et justifie que le médicament soit pris scrupuleusement seul (au moins 30 minutes avant la prise d’autres médicaments)5. Ce risque est d’autant plus marqué que les analogues du GLP1 sont déjà connus pour leur effet ralentisseurs de la vidange gastrique. Les patients souffrant de gastroparésie sont les plus à risque.
Un risque d’acidose lactique a été décrit (avec cet excipient) in vitro et chez l’animal. Quelques cas d’acidose lactique ont été décrits (dans PIONEER 6 principalement), dans des situations cliniques susceptibles de précipiter les acidoses lactiques telles que la pneumonie, le sepsis et l’insuffisance rénale aigue4.
Le fabricant recommande de ne pas utiliser le sémaglutide oral pendant l’allaitement étant donné le passage du salcaprozate de sodium dans le lait et le risque d’effets indésirables graves chez le nourrisson de ce potentialisateur d’absorption11.
Le CBIP est d’avis que les propriétés du sémaglutide oral semblent similaires à celles du sémaglutide injectable ainsi qu’à celles des autres analogues du GLP1 à savoir un bénéfice sur le contrôle glycémique et le poids, sans aggraver le risque d’hypoglycémies, mais au prix de fréquents effets indésirables d’ordre gastro-intestinal. Le bénéfice du sémaglutide oral sur les complications du diabète n’est pas démontré à ce stade. Les raisons qui expliquent que seules certaines molécules de la classe des analogues du GLP1 ont montré un bénéfice sur des critères cliniques ne sont pas claires.
La voie d’administration d’un médicament impacte la compliance des patients et le développement d’une forme orale dans cette classe thérapeutique, jusqu’à présent exclusivement disponible en mode injectable, est un avantage. À contrario, les contraintes de prises, liées aux propriétés de l’excipient utilisé pour rendre la voie orale possible, ainsi que les risques associés à cet excipient sont des inconvénients. L’information du patient et son adhésion stricte au mode de prise est primordiale pour assurer une efficacité et une sécurité similaire du sémaglutide oral par rapport aux analogues du GLP1 injectables et ainsi conserver l’avantage de la voie orale.
1 Rybelsus ®, Résumé des Caractéristiques du Produit.
2 Hirsch IB. The Future of the GLP-1 Receptor Agonists – Editorial. JAMA 2019; 321(15):1457-8. doi: 10.1001/jama.2019.2941.
3 Thethi TK, Pratley R, Meier JJ. Efficacy, safety and cardiovascular outcomes of once-daily oral semaglutide in patients with type 2 diabetes: The PIONEER programme. Diabetes Obes Metab. 2020; 22:1263-77. DOI: 10.1111/dom.14054.
4 Rybelsus® EPAR – Public assessment report. First published: 27/05/2020. Last updated: 27/07/2020. EMA/95374/2020. https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/rybelsus-epar-public-assessment-report_en.pdf
5 Rédaction Prescrire. Sémaglutide par voie orale (Rybelsus°) – moins d’incertitudes avec le liraglutide par voie sous-cutanée. La Revue Prescrire 2021 ; 41(449) : 173-6.
6 Husain M, Birkenfeld AL, Donsmark M, et al. Oral Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Patients with Type 2 Diabetes (PIONEER 6). N Engl J Med 2019 ; 381 :841-51. DOI : 10.1056/NEJMoa1901118.
7 Rosenstock J, Dale A, Birkenfeld AL et al. Effect of Additional Oral Semaglutide vs Sitagliptin on Glycated Hemoglobin in Adults With Type 2 Diabetes Uncontrolled With Metformin Alone or With Sulfonylurea: The PIONEER 3 Randomized Clinical Trial. JAMA 2019 ; 321 (15) : 1466-80.
8 Pratley R, Amod A, Hoff ST et al. Oral semaglutide versus subcutaneous liraglutide and placebo in type 2 diabetes (PIONEER 4): a randomised, double-blind, phase 3a trial. Lancet 2019; 394 (10192): 39-50.
9 Davies M, Pieber TR, Hartoft-Nielsen ML, et al. Effect of Oral Semaglutide Compared With Placebo and Subcutaneous Semaglutide on Glycemic Control in Patients With Type 2 Diabetes. A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2017 ;318(15) :1460-1470. Doi :10.1001/jama.2017.14752.
10 Marso SP, Bain SC, Consoli A, et al. Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Patients with Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2016; 375:1834-44. DOI: 10.1056/NEJMoa1607141.
11 Oral Semaglutide (Rybelsus) for Type 2 Diabetes, The Medical Letter, 2019; 43(1583): 118-20.