Dystonie aiguë d’origine neuroleptique

Les neuroleptiques sont la cause la plus fréquente de dystonie aiguë induite par des médicaments. Les antiémétiques (par exemple, le métoclopramide) et les antidépresseurs, probablement surtout les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, peuvent également être responsables de dystonie aiguë. Si un patient présente des dystonies ou des spasmes musculaires dans les 7 jours qui suivent l' administration d' un médicament ou une augmentation rapide de sa posologie, le diagnostic de dystonie aiguë médicamenteuse doit être évoqué. Cet article traite essentiellement de la dystonie provoquée par les neuroleptiques.


Risque de dystonie aiguë liée aux différents neuroleptiques

L’ halopéridol, la fluphénazine et le pimozide sont plus souvent à l' origine de dystonies que la chlorpromazine et la thioridazine. Aussi est-il recommandé de commencer un traitement par un neuroleptique qui est souvent à l' origine d' une dystonie aiguë avec de faibles doses. L' incidence de la dystonie aiguë avec les neuroleptiques atypiques tels l' olanzapine, le sertindole et la rispéridone à petites doses est faible; ce risque augmente avec des doses plus élevées. La clozapine n' entraînerait pas de dystonie aiguë. On ne sait pas exactement pourquoi la dystonie aiguë est moins fréquente avec les neuroleptiques atypiques [voir aussi l' article "Les neuroleptiques atypiques" publié dans les Folia de février 1998].


Facteurs de risque

L' apparition d' une dystonie lors d' un traitement par des neuroleptiques dépend surtout de l' existence de facteurs de risque. Les antécédents de dystonie aiguë constituent le principal facteur de risque. L' âge est également un facteur de risque important: le risque est élevé pour les patients jeunes (moins de 20 ans) et diminue ensuite; chez les patients de plus de 45 ans, la dystonie aiguë est rare. Dans la plupart des études, il a été observé que la dystonie aiguë survient plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes. Dans une étude prospective, la consommation de cocaïne s' avérait également être un facteur de risque.


Tableau clinique

Dans 95% des cas, la dystonie aiguë survient dans les 4 jours qui suivent l' instauration d' un traitement par un antipsychotique ou une augmentation rapide de la dose. La dystonie peut toucher n' importe quel groupe musculaire, mais elle survient le plus souvent au niveau de la tête et du cou. Cela peut donner lieu à différents tableaux cliniques tels torticolis, trismus, blépharospasme, crise oculogyre et problèmes de déglutition. Parfois, seules les mains ou quelques doigts sont atteints. Une aggravation de la situation est souvent observée lors de l' activation d' un ou plusieurs groupes musculaires, par exemple à la marche; dans certains cas, la dystonie n' apparaît que lors de certaines activités et pas au repos. Une dystonie généralisée peut également s' observer. La dystonie aiguë est souvent responsable d' angoisse et/ou de douleur. Une dystonie mettant la vie en danger, par exemple un stridor dû à un laryngospasme, est rare. La crise oculogyre peut aussi survenir lors d' un traitement d' entretien par un neuroleptique; elle peut être déclenchée par exemple par la prise d' alcool, un stress émotionnel ou la fatigue.

Lors d' un traitement d' entretien par une préparation dépôt d' un antipsychotique, une dystonie aiguë a aussi été parfois observée, en particulier dans les premiers jours qui suivent l' administration.


Traitement

L' injection intramusculaire d' un anticholinergique (par exemple, le bipéridène 5 mg ou la procyclidine 5 mg) est recommandée; un antihistaminique H1 (par exemple, la prométhazine 50 mg i.m.) peut aussi être administré. L' injection intramusculaire est généralement efficace dans les 20 minutes. Occasionnellement, une deuxième ou une troisième injection est nécessaire, celles-ci doivent être administrées à un intervalle d' une demi-heure. Si la dystonie persiste, il convient de penser à d' autres pathologies telles certaines formes d' épilepsie, une hypocalcémie. Si les anticholinergiques ne sont pas efficaces en cas de crise oculogyre, le clonazépam (0,5 à 4 mg per os) peut être utile. Après disparition de la dystonie, l' anticholinergique doit être maintenu per os pendant 24 à 48 heures pour éviter les récidives; dans la pratique, le traitement est généralement prolongé pendant 4 à 7 jours. La présence d' autres symptômes extrapyramidaux aigus comme du parkinsonisme justifie en général de prolonger le traitement plus de 7 jours. L' arrêt du traitement doit être progressif.

L' injection intraveineuse d' un anticholinergique ne se justifie que lorsque la situation est dangereuse, par exemple en cas de stridor.

Les anticholinergiques peuvent aggraver une dyskinésie tardive existante.


Traitement prophylactique

Dans certains cas, un anticholinergique peut être associé préventivement pendant les 4 à 7 premiers jours d' un traitement par un neuroleptique. L' orphénadrine n' est pas recommandée étant donné son indice thérapeutique étroit et le risque de surdosage. Les anticholinergiques peuvent entraîner des effets indésirables tels sécheresse de la bouche, constipation, vision trouble, troubles de la mémoire, rétention urinaire (surtout chez les hommes âgés), confusion ou délirium. Il n' existe pas de règles précises en ce qui concerne l' administration prophylactique d' anticholinergiques. Une bonne stratégie est probablement d' évaluer le risque de dystonie aiguë en fonction des facteurs de risque du patient (voir plus haut) et du neuroleptique (y compris la dose, la puissance et l' activité anticholinergique intrinsèque). Plus le risque de dystonie aiguë est élevé, plus il y a de raisons d' administrer un anticholinergique à titre prophylactique et plus efficace sera celui-ci. Lorsque les anticholinergiques ne sont pas supportés, l' amantadine, à la dose de 100 mg une fois à trois fois par jour, est une autre possibilité. Il existe chez les patients qui présentent une dépendance à d' autres médicaments un risque d' utilisation abusive des anticholinergiques prescrits [voir Communiqué du Centre de Pharmacovigilance &quotUtilisation abusive d' anticholinergiques à action centrale&quot dans les Folia janvier 2000 ]. Le traitement prophylactique est généralement poursuivi pendant 7 jours. La dose devrait être diminuée progressivement.

D' après

  • P.N. van Harten et al: Acute dystonia induced by drug treatment. Brit Med J 319 : 623-626(1999)

Noms de spécialités


Amantadine: Amantan

Bipéridène: Akineton

Clonazépam: Rivotril

Orphénadrine: Disipal (chlorhydrate) Norflex (citrate)

Procyclidine: Kemadrin

Prométhazine: Phenergan

Trihexyphénidyle chlorhydrate: Artane