Combattre l’obésité devient urgent


Abstract

La surcharge pondérale et l’obésité prennent une allure épidémique. Un mode de vie sédentaire et une alimentation mal équilibrée y contribuent en grande partie. Des mesures au niveau de la population s’imposent pour endiguer l’épidémie. Des efforts adaptés à chaque individu restent bien sûr importants chez les personnes obèses et celles avec une surcharge pondérale associée à des facteurs de risque. Ils consistent en des mesures diététiques, associés à une activité physique et/ou une thérapie comportementale, et en cas d’échec, éventuellement aussi en la prise de médicaments. L’orlistat et la sibutramine sont les médicaments proposés à cette fin. Avant de les prescrire, il est important de connaître leurs avantages et leurs inconvénients.

La surcharge pondérale (Body Mass Index ou BMI de 25 à 29,9 kg/m²), l’obésité (BMI de 30 à 39,9 kg/m²) et évidemment l’obésité morbide (BMI de 40 kg/m² ou plus) sont des facteurs de risque importants d’affections telles un diabète de type 2, une hyperlipidémie, une hypertension. La surcharge pondérale et l’obésité prennent une allure épidémique aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Les experts s’accordent à dire qu’un mode de vie de plus en plus sédentaire ainsi qu’une alimentation mal équilibrée et la consommation de boissons sucrées sont en cause. Des mesures préventives au niveau de la population visant à encourager un mode de vie sain (alimentation diversifiée, activité physique suffisante) chez les jeunes sont à encourager; de telles initiatives sont prises partout dans le monde, entre autres par l’Organisation Mondiale de la Santé (voir www.worldheart.org ).

Le problème de l’obésité fait l’objet d’une attention particulière dans la presse spécialisée et dans celle destinée au grand public. L’objectif du présent article est ici aussi d’attirer l’attention sur ce sujet, et plus particulièrement sur la place des médicaments dans la prise en charge des patients atteints d’obésité ou de surcharge pondérale.

Il a été démontré dans plusieurs études que la perte de poids diminue la morbidité et la mortalité liées à l’obésité. La meilleure façon de perdre du poids est d’associer un régime légèrement hypocalorique à une activité physique modérée et/ou à une thérapie comportementale. Les mesures diététiques ont pour but de réduire l’apport énergétique de 500 à 1.000 kcal par jour par rapport au point de départ; ces mesures doivent être suivies pendant longtemps pour obtenir une perte de poids suffisante et durable. L’augmentation de l’activité physique doit se faire de manière progressive. Un programme à long terme avec au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée par jour, et ce, si possible, tous les jours est recommandé. Plusieurs études montrent qu’une thérapie comportementale favorise l’observance des mesures diététiques et de l’activité physique.

La chirurgie est à réserver à certains patients sélectionnés atteints d’une obésité sévère et réfractaire; elle ne sera pas discutée ici.

Un traitement médicamenteux n’est à envisager que dans un nombre limité de cas.


Traitement médicamenteux

Comme déjà souligné antérieurement dans les Folia, un traitement médicamenteux n’est recommandé que lorsque les mesures générales ont échoué chez des patients présentant une obésité (morbide) ou une surcharge pondérale associée à des facteurs de risque [voir Folia de juin 1999 , mai 2000 , septembre 2001 et mai 2002 ]. Le traitement médicamenteux doit être intégré dans un programme comportant des mesures diététiques, une activité physique et une thérapie comportementale. En Belgique, deux médicaments sont indiqués pour perdre du poids: l’orlistat (Xenical®) et la sibutramine (Reductil®). Ces médicaments ne sont enregistrés que pour l’usage chez l’adulte; pour plusieurs raisons, leur utilisation pendant la grossesse est contre-indiquée. La conclusion d’une revue systématique d’études randomisées d’une durée d’au moins un an avec l’orlistat ou la sibutramine était que ces médicaments entraînent une perte de poids allant jusqu’à 10% chez une minorité de patients, mais au prix d’effets indésirables chez de nombreux patients traités. Si un patient n’a pas perdu deux kilos après 4 semaines de traitement, il est peu probable qu’il en obtiendra un avantage à long terme. L’effet sur la morbidité et la mortalité du traitement médicamenteux, y compris de l’orlistat et de la sibutramine, n’est pas connu; en outre il convient de tenir compte de leur coût.


Orlistat

L’orlistat inhibe les lipases gastro-intestinales et diminue ainsi la résorption des graisses. Jusqu’il y a peu, la notice recommandait une durée maximale de traitement de 2 ans. La dernière notice (situation au 1er septembre 2004) ne mentionne plus de durée maximale, et fait référence à une étude de 4 ans dans laquelle à la fin de celle-ci une perte de poids plus marquée était encore toujours observée dans le groupe sous orlistat par rapport au groupe placebo. Chez les patients présentant une intolérance au glucose au début de cette étude, l’incidence du diabète de type 2 après 4 ans était plus faible dans le groupe sous orlistat que dans le groupe placebo, mais la signification à long terme de cet effet n’est pas connue. Les principaux effets indésirables de l’orlistat sont des pertes graisseuses par le rectum, de la flatulence et de la diarrhée. La résorption des vitamines liposolubles peut être diminuée et la concentration plasmatique de ciclosporine abaissée.


Sibutramine

La sibutramine est chimiquement apparentée aux amphétamines (voir Note). Elle inhibe la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, et diminue ainsi l’appétit. D’après la notice, la durée maximale de traitement est d’un an (situation au 1er septembre 2004). Les principaux effets indésirables sont: élévation de la tension artérielle, palpitations, constipation, nausées, sécheresse de la bouche, insomnie, céphalées, vertiges et paresthésies. Des interactions sont possibles: risque de syndrome sérotoninergique en cas de prise concomitante d’autres substances à action sérotoninergique (par ex. ISRS, triptans, dextrométhorphane); augmentation des concentrations plasmatiques en cas de traitement concomitant par des inhibiteurs du CYP3A4 (par ex. certains macrolides et dérivés azoliques). Parmi les contre-indications figurent entre autres l’hypertension mal contrôlée, les affections coronariennes, l’insuffisance cardiaque, la tachycardie, l’arythmie, les artériopathies périphériques, l’accident vasculaire cérébral ou l’accident ischémique transitoire à l’anamnèse.

D’après

  • Jain A.: Fighting obesity. Evidence of effectiveness will be needed to sustain policies. Brit Med J 2004; 328: 1327-28
  • Mertens A, Vlayen J, Muls E.: Consensus 2002 over obesitas van de "Belgian Association for the study of obesitas (BASO)" Tijdschr voor Geneeskd 2003; 59: 1349-53
  • Padwal R, Li SK, Lau DCW.: Long-term pharmacotherapy for overweight and obesity: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Int J Obes Relat Metab Disord 2003; 27: 1437-46 avec une discussion dans Bandolier, via www.jr2.ox.ac.uk/bandolier/band121/b121-5.html

Note

  • Certains dérivés de l’amphétamine ont été utilisés auparavant comme anorexigènes. En raison de leurs effets indésirables (hypertension pulmonaire, et avec la fenfluramine et la dexfenfluramine, aussi des valvulopathies), ces médicaments ont été retirés du marché et leur délivrance, sous forme de spécialité ou de préparation magistrale, est interdite en Belgique [voir aussi Folia de novembre 1999 ]. La phénylpropanolamine, qui était aussi utilisée comme anorexigène, est également interdite en Belgique [voir Folia de mai 2000 et d’ avril 2002 ]. L’utilisation de pseudoéphédrine comme anorexigène est obsolète [voir Folia d’ avril 2002 ].
  • L’obésité est un facteur de risque important de développer un diabète de type 2. Les Folia de mars 2003 rapportent une étude dans laquelle des modifications importantes du style de vie (avec entre autres perte de poids), et dans une moindre mesure, la metformine, ont diminué le risque de diabète de type 2 chez des patients non diabétiques mais avec un risque élevé de diabète (entre autres BMI ≥ 24). Il est toutefois encore prématuré pour le moment de prescrire en routine de la metformine pour prévenir un diabète de type 2 [ Diabetes Care 2004; 27: S47-S54 ].