Antipsychotiques: données récentes concernant leur efficacité et leurs effets indésirables


Abstract

Quelques études sur les antipsychotiques ont été publiées récemment.

  • Une méta-analyse d’études sur les antipsychotiques dans la schizophrénie renforce la thèse selon laquelle les antipsychotiques, y compris les antipsychotiques atypiques, ne forment pas un groupe homogène en ce qui concerne leur efficacité (effet sur les symptômes positifs, négatifs ou dépressifs) ou leur profil de risque (effets extrapyramidaux, prise de poids, sédation). Selon certains, la distinction entre antipsychotiques "classiques" et "atypiques" devrait être abandonnée. Le choix d’un antipsychotique repose sur des facteurs tels que la réponse individuelle, les effets indésirables et le coût.
  • Une étude d’observation apporte des arguments supplémentaires en faveur d’un risque accru de mort subite cardiaque causée par des antipsychotiques (dans toutes sortes d’indications), et signale par ailleurs que ce risque est aussi élevé pour les antipsychotiques atypiques que pour les antipsychotiques classiques.
  • Une étude randomisée sur les antipsychotiques utilisés spécifiquement chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentant des troubles du comportement, apporte des arguments supplémentaires en faveur d’un risque accru de décès chez les patients prenant des antipsychotiques par rapport à ceux qui n’en prennent pas, et montre que ce risque augmente avec la durée du traitement.

Ces résultats renforcent la recommandation de n’utiliser des antipsychotiques que de façon très sélective chez les patients déments et de limiter autant que possible la durée du traitement.

Cet article traite de quelques études récentes sur les antipsychotiques, plus particulièrement sur leur efficacité dans la schizophrénie, sur leur implication dans les cas de mort subite cardiaque, et sur le risque de décès en cas d’usage d’antipsychotiques chez les patients déments.


Efficacité des antipsychotiques classiques par rapport aux antipsychotiques atypiques dans la schizophrénie

L’article "Antipsychotiques classiques versus antipsychotiques atypiques dans le traitement de la schizophrénie" [ Folia de février2006 ] concluait que la distinction entre antipsychotiques "classiques" et "atypiques" n’est pas absolue, et que les avantages présumés des antipsychotiques atypiques (p. ex. en ce qui concerne leurs effets sur les symptômes négatifs ou leurs effets indésirables) ne sont pas toujours prouvés. Une méta-analyse récente de 150 études en double aveugle (surtout à court terme) sur les effets des antipsychotiques dans la schizophrénie, renforce cette affirmation [ Lancet 2009; 373: 31-41 , avec un éditorial : 4-5 ]. Les antipsychotiques atypiques suivants ont été étudiés: l’amisulpride [n.d.l.r.: n’est pas classé parmi les antipsychotiques atypiques dans le Répertoire Commenté des Médicaments], l’aripiprazole, la clozapine, l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone, le sertindole, la ziprasidone, la zotépine; les antipsychotiques classiques ont seulement été analysés en tant que groupe. Certains antipsychotiques atypiques se sont avérés plus efficaces que les antipsychotiques classiques sur les symptômes positifs et négatifs (l’amisulpride, la clozapine, l’olanzapine, la rispéridone) et sur les symptômes dépressifs (l’amisulpride, l’aripiprazole la clozapine, la quétiapine). Les antipsychotiques atypiques provoquaient moins fréquemment des effets extrapyramidaux que l’halopéridol (même lorsque l’halopéridol était utilisé à des doses < 7,5 mg p.j.); par rapport aux antipsychotiques classiques de " faible puissance " tels que la chlorpromazine, c’est surtout la clozapine qui engendrait moins fréquemment des symptômes extrapyramidaux. De même, l’effet sur la prise de poids et l’effet sédatif n’étaient pas homogènes.

L’auteur de l’éditorial plaide en faveur de l’abandon du terme d’antipsychotiques " atypiques " ou " de deuxième génération ", vu que les données disponibles ne permettent pas de subdiviser ces médicaments en différentes classes. Tous les antipsychotiques ne sont toutefois pas identiques: ils diffèrent entre eux par leur effet sur les symptômes positifs, négatifs et dépressifs, et par leur profil de risque. De plus, la réponse aux antipsychotiques varie selon les individus. D’après l’auteur, la clozapine reste le seul antipsychotique qui soit nettement plus efficace que les autres dans la schizophrénie [voir aussi Folia de février 2006 ].


Risque de mort subite cardiaque

Des cas de mort subite sont plus fréquemment observés chez les patients psychiatriques que dans la population générale, et l’on suppose que ceci s’explique en partie par les effets cardiotoxiques des antipsychotiques (en particulier le risque d’allongement de l’intervalle QT) [voir Folia de novembre 2003 ].

Une étude de cohorte rétrospective récente [93.300 consommateurs d’antipsychotiques versus 186.600 non-consommateurs; âgés entre 30 et 74 ans (moyenne de 45 ans); le risque cardio-vasculaire était comparable dans les deux groupes; les antipsychotiques étaient utilisés dans diverses indications (surtout dans la schizophrénie, le trouble bipolaire, la dépression majeure, rarement dans la démence)] apporte des arguments supplémentaires en faveur d’un risque accru de mort subite cardiaque causée par des antipsychotiques et signale que ce risque est aussi élevé pour les antipsychotiques atypiques que pour les antipsychotiques classiques; le risque était dépendant de la dose [ N Engl J Med 2009; 360: 225-35 , avec un éditorial : 294-6 ]. Le mécanisme du décès par mort subite cardiaque n’a pas été analysé dans cette étude, mais les investigateurs pensent qu’il s’agissait probablement d’arythmies ventriculaires; c’est pourquoi les auteurs de l’éditorial suggèrent de réaliser un ECG avant et rapidement après l’instauration d’un traitement par un antipsychotique, afin de dépister un allongement de l’intervalle QT [n.d.l.r.: la mesure de l’intervalle QT et son intreprétation ne sont pas simples, et on peut se demander si une telle prise en charge aura en pratique une influence positive sur l’innocuité].

L’incidence de mort subite cardiaque s’élevait à

  • 2,9/1.000 patients/an dans le cas des antipsychotiques classiques;
  • 2,8/1.000 patients/an dans le cas des antipsychotiques atypiques;
  • 1,4/1.000 personnes/an dans les cas des non-consommateurs.

Le risque avait donc plus ou moins doublé en cas d’utilisation d’antipsychotiques. Il faut cependant tenir compte de sources d’erreurs (biais, facteurs de confusion) qui ne peuvent être exclues dans une étude d’observation. L’auteur de l’éditorial souligne que la surmortalité, telle qu’observée dans cette étude, n’est pas négligeable. A titre comparatif, l’incidence des décès causés par une agranulocytose due à la clozapine est très faible: 0,2/1.000 patients/an.


Risque de mortalité à long terme chez les patients déments

Il existe des preuves que certains antipsychotiques augmentent le risque d’accidents vasculaires cérébraux et de décès chez les patients déments présentant des symptômes psychotiques ou des troubles du comportement, et l’on admet que ce risque ne peut être exclu pour aucun antipsychotique [voir Folia d' avril 2004 , février 2006 et juin 2007 , et le communiqué du 20/06/08 dans la rubrique " Bon à savoir " sur notre site Web]. Une étude récente [ : la Dementia Antipsychotic Withdrawal Trial ou DART-AD Lancet Neurol ] fournit des données supplémentaires concernant le risque de décès à long terme chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer prenant des antipsychotiques. Dans cette étude, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui prenaient depuis au moins 3 mois des antipsychotiques, ont été randomisés: (1) soit ils recevaient un placebo, (2) soit ils poursuivaient le traitement pendant 12 mois. La mortalité évaluée 12 mois après la randomisation (critère d’évaluation primaire) était plus élevée dans le groupe recevant des antipsychotiques que dans le groupe placebo (30% versus 23%). Lors d’un suivi plus long (jusqu’à 42 mois après la randomisation), la différence de mortalité entre les deux groupes était encore plus prononcée (74% versus 46%). Ces résultats renforcent la recommandation d’éviter autant que possible l’utilisation d’antipsychotiques chez les patients déments présentant des symptômes psychotiques ou des troubles du comportement. Si ces médicaments sont quand même utilisés, la durée du traitement doit être aussi courte que possible, et il convient alors d’évaluer régulièrement s’il y a lieu de poursuivre le traitement. Nous renvoyons à la Fiche de transparence "Traitement médicamenteux de la démence" pour ce qui est de la prise en charge non médicamenteuse et médicamenteuse des troubles du comportement chez les patients déments.