Diabète de type 2: diminution de la mortalité cardio-vasculaire et de la néphropathie diabétique avec l’empagliflozine et le liraglutide?

Résumé
Deux études récentes (EMPA-REG avec l’empagliflozine et LEADER avec le liraglutide) montrent une diminution de la mortalité cardio-vasculaire et de l’aggravation de la néphropathie diabétique chez des patients diabétiques présentant une affection cardio-vasculaire ou plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaires. Aucun effet sur le risque d’infarctus du myocarde et d’AVC non fatals n’a cependant été constaté. Bien que ces résultats soient encourageants, il faut attirer l’attention sur le fait qu’il s’agit d’études dont l’objectif était d’évaluer l’innocuité cardio-vasculaire de ces antidiabétiques et qu’un bénéfice éventuel sur les complications vasculaires à long terme du diabète n’est pas clairement établi. A l’heure actuelle, la metformine reste le médicament de premier choix dans la prise en charge du diabète de type 2. 

Le diabète de type 2 est un facteur de risque majeur de complications macrovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) et d’affections microvasculaires (rétinopathie, néphropathie). Un contrôle strict de la glycémie par l’insuline, la metformine, les sulfamidés hypoglycémiants ou les glitazones diminue le risque de certaines complications microvasculaires. En ce qui concerne les complications macrovasculaires, l’effet d’un contrôle optimal de la glycémie est moins clair et un bénéfice n’avait été démontré jusqu’il y a peu qu’avec la metformine. Il existe un vif intérêt concernant l’effet éventuel  des antidiabétiques plus récents sur les complications à long terme du diabète. Cet article rapporte brièvement les résultats de deux études (EMPA-REG et LEADER) ayant évalué respectivement l’innocuité cardio-vasculaire de la gliflozine empagliflozine et de l’analogue du GLP-1 liraglutide.

Résultats

Etude EMPA-REG

L’étude EMPA-REG est une étude randomisée contrôlée par placebo qui a évalué les effets cardio-vasculaires de l’empagliflozine, un antidiabétique de la classe des gliflozines ou inhibiteurs du SGLT-2, auprès de 7.000 patients diabétiques de type 2 présentant une affection cardio-vasculaire ou plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaires , sur une période de 3,1 ans. Cette étude a déjà été discutée dans les Folia de novembre 2015. Le critère d’évaluation primaire était un critère composite associant la mortalité cardio-vasculaire, les infarctus du myocarde et les AVC non fatals. Les résultats montrent une diminution du critère d’évaluation primaire avec l’empagliflozine (10,5%) par rapport au placebo (12,1%) ; celle-ci s’explique surtout par une diminution de la mortalité cardio-vasculaire. Il n’y avait pas de diminution des taux d’infarctus du myocarde et d’AVC non fatals. Les résultats indiquent également une diminution de la mortalité globale et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. 

Dans un deuxième temps, les investigateurs ont également évalué les effets de l’empagliflozine sur les complications microvasculaires du diabète (critère composite associant rétinopathie et néphropathie). Les résultats parus récemment indiquent une diminution du critère d’évaluation composite avec l’empagliflozine ; celle-ci est due uniquement à l’effet sur la composante rénale. Les patients sous empagliflozine présentaient un risque moindre d’aggravation de la néphropathie (évaluée par l’apparition d’une macroalbuminurie, le doublement de la créatininémie, l’instauration d’une dialyse rénale ou la mortalité d’origine rénale) par rapport au placebo (12,7% versus 18,8%), mais il n’y avait pas de différence entre les groupes en ce qui concerne l’incidence de l’albuminurie. 

Etude LEADER

L’étude LEADER est une étude randomisée contrôlée par placebo qui a évalué les effets cardio-vasculaires du liraglutide, un antidiabétique de la classe des incrétinomimétiques ou analogues du GLP-1, auprès de 9.340 patients diabétiques présentant une affection cardio-vasculaire ou plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaires, sur une période de 3,8 ans. Comme dans l’étude EMPA-REG, le critère d’évaluation primaire était un critère composite associant la mortalité cardio-vasculaire, les infarctus du myocarde non fatals et les AVC non fatals. Les résultats sont assez comparables aux résultats de l’étude EMPA-REG et montrent une diminution statistiquement significative du critère d’évaluation primaire avec le liraglutide (13%) par rapport au placebo (14,9%) ; celle-ci s’explique surtout par une diminution de la mortalité cardio-vasculaire. Il n’y avait pas de diminution des taux d’infarctus du myocarde et d’AVC non fatals. Contrairement à l’étude EMPA-REG, il n’y avait pas de diminution du risque d’hospitalisation en raison d’une insuffisance cardiaque avec l’antidiabétique. 

Les investigateurs ont également évalué l’effet du liraglutide sur les complications microvasculaires du diabète (critère composite associant rétinopathie et néphropathie). Les résultats indiquent une diminution des complications microvasculaires avec le liraglutide ; celle-ci est due uniquement à l’effet sur la composante rénale. Les patients sous liraglutide présentaient un risque moindre d’aggravation de la néphropathie (évaluée par l’apparition d’une macroalbuminurie, le doublement de la créatininémie, l’instauration d’une dialyse rénale ou la mortalité d’origine rénale) par rapport au placebo (7,6% versus 8,9%). L’incidence de la rétinopathie était par contre augmentée (de manière non significative) dans le groupe sous liraglutide.

Discussion

  • Les études EMPA-REG et LEADER  avaient pour objectif d’évaluer l’innocuité cardio-vasculaire de l’empagliflozine et du liraglutide chez des patients diabétiques avec un risque cardio-vasculaire plus élevé qu’en moyenne dans la population diabétique. Un éventuel bénéfice sur les complications cardio-vasculaires du diabète à long terme n’est cependant pas clairement établi, et ces résultats ne peuvent pas non plus être extrapolés à l’ensemble de la population diabétique.

  • Les résultats de ces deux études présentent certaines similitudes notamment en ce qui concerne leurs critères d’évaluation et les résultats obtenus en termes de mortalité cardio-vasculaire et de progression de la néphropathie. Une diminution de la mortalité cardio-vasculaire a été constatée tant dans l’étude EMPA-REG avec l’empagliflozine que dans l’étude LEADER avec le liraglutide, mais aucune de ces études n’a montré d’effet favorable en ce qui concerne le risque d’infarctus du myocarde et d’AVC non fatals.

  • Le mécanisme d’action responsable du bénéfice cardio-vasculaire n’est pas bien connu et diffère probablement entre les deux molécules. Dans l’étude EMPA-REG, le bénéfice de l’empagliflozine pourrait être dû à son effet diurétique, ce qui pourrait expliquer l’apparition plus rapide d’un bénéfice cardio-vasculaire et l’effet favorable de l’empagliflozine sur le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. 

  • Ces effets bénéfiques ont été obtenus dans des études contrôlées par placebo et on ne dispose pas d’études comparatives directes avec d’autres antidiabétiques.

  • Des études d’innocuité cardio-vasculaire réalisées antérieurement avec d’autres antidiabétiques agissant sur le système incrétine (études SAVOR-TIMI53 avec la saxagliptine, EXAMINE avec l’alogliptine, TECOS avec la sitagliptine, ELIXA avec le lixisénatide) ont révélé un profil d’innocuité cardio-vasculaire neutre de ces médicaments et n’ont pas montré de bénéfice cardio-vasculaire, contrairement à ce qui a été observé avec le liraglutide dans l’étude LEADER. Ces différences pourraient s’expliquer entre autres par l’hétérogénéité des patients inclus dans ces différentes études.

Recommandations pour la pratique

La metformine représente l’antidiabétique de premier choix dans la prise en charge du diabète de type 2. En cas d’efficacité insuffisante de la metformine, les analogues du GLP-1 et les gliflozines font partie des options thérapeutiques envisageables (en particulier chez les patients chez qui les hypoglycémies représentent un risque important) et les données récentes des études EMPA-REG et LEADER sont rassurantes en ce qui concerne leur innocuité cardio-vasculaire chez les patients avec un risque cardio-vasculaire élevé. Un bénéfice éventuel de ces antidiabétiques sur les complications vasculaires à long terme du diabète n’est toutefois pas clairement établi.

Références

Wanner C, Inzucchi SE, Lachin JM et al. Empagliflozin and progression of kidney disease in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:323-34 (doi: 10.1056/NEJMoa1515920)

Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K et al. Liraglutide and cardiovascular outocmes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016 ;375 :311-22 (doi: 10.1056/NEJMoa1603827)

Ingelfinger JR en Rosen CJ. Cardiac and renovascular complications in type 2 diabetes. Is there hope ? N Engl J Med 2016;375:380-2 (doi: 10.1056/NEJMe1607413)

B. Zinman, C. Wanner , J. Lachin et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015; 373:2117-2128 (doi: 10.1056/NEJMoa1504720)