Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Acide valproïque et risque tératogène: mesures supplémentaires pour éviter l’exposition in utero

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En raison du risque tératogène de l’acide valproïque, un certain nombre de mesures supplémentaires ont été prises au niveau européen pour éviter l’exposition in utero.1,2 Chez les femmes enceintes, l’acide valproïque est contre-indiqué, sauf dans les rares cas d’épilepsie pour lesquels aucun autre traitement n’est efficace. Chez les jeunes filles et les femmes en âge de procréer, l’acide valproïque ne peut être utilisé que si des mesures de précaution strictes, dans le cadre d’un programme de prévention de la grossesse, sont respectées. Un avertissement concernant le risque tératogène figure désormais sur l’emballage des spécialités à base d’acide valproïque.

Comme discuté dans les Folia de mars 2015, les données disponibles montrent de manière consistante que l’acide valproïque, plus que d’autres antiépileptiques, augmente le risque de malformations congénitales (majeures); de plus, des données limitées suggèrent que l’acide valproïque, plus que d’autres antiépileptiques, peut influencer négativement le fonctionnement cognitif et augmenter le risque de troubles du comportement chez les enfants qui ont été exposés in utero.

Concernant le risque de malformations congénitales majeures, une mise à jour récente de l’analyse du registre de grossesses EURAP3 renforce la conclusion que ce risque est plus important pour l’acide valproïque que pour d’autres antiépileptiques (carbamazépine, lamotrigine, lévétiracétam, oxcarbazépine, phénobarbital, phénytoïne, topiramate), et que le risque de malformations congénitales est dose-dépendant.
  • La fréquence de malformations congénitales majeures était la plus élevée pour:
    • acide valproïque > 650 mg p.j. : 11% (jusqu’à 25% pour des doses > 1.450 mg p.j.) ; pour des doses ≤ 650 mg p.j. une fréquence de 6% a été trouvée;
    • phénobarbital > 130 mg p.j. : 12%
    • carbamazépine > 700 mg p.j. : 7%
  • La fréquence des malformations était la plus faible pour:
    • lamotrigine ≤ 325 mg p.j.: 2,5%
    • phénobarbital ≤ 80 mg p.j. : 3% (sur base d’expositions très limitées).

Des registres de grossesses tels que EURAP (European and International Registry of Antiepileptic drugs in Pregnancy) sont une source importante d’information, mais elles ont un certain nombre de limitations méthodologiques intrinsèques, comme l’absence de groupe témoin.

Malgré des mesures restrictives antérieures pour éviter l’exposition in utero à l’acide valproïque [voir Folia décembre 2014], il est apparu que l’acide valproïque est encore utilisé chez des jeunes filles et des femmes en âge de procréer, sans qu’elles aient été informées à temps et suffisamment du risque tératogène. L’Agence européenne des médicaments (EMA) a donc récemment encore pris un certain nombre de mesures complémentaires pour éviter l’exposition in utéro à l’acide valproïque.1,2

Les nouvelles mesures de restriction de l’EMA concernant l’acide valproïque

  • Concernant l’indication "épilepsie":

    • Femmes enceintes : contre-indication, sauf dans les rares cas d’épilepsie pour lesquels aucun autre traitement n’est efficace, et moyennant un suivi strict spécialisé.

    • Jeunes filles et femmes en âge de procréer : à utiliser uniquement si des mesures de précaution strictes sont respectées (voir plus loin).

  • Concernant les indications "trouble bipolaire" et "prévention de la migraine" [note: en Belgique, la prévention de la migraine n’est pas reprise comme indication dans le RCP]:

    • Femmes enceintes: contre-indication absolue.

    • Jeunes filles et femmes en âge de procréer : à utiliser uniquement si des mesures de précaution strictes sont respectées (voir plus loin).

  • Les mesures de précautions strictes font désormais partie d’un programme de prévention de la grossesse, avec entre autres: une évaluation de la possibilité que la patiente tombe enceinte; un test de grossesse avant le début du traitement, et, si indiqué, pendant le traitement; fournir des informations  concernant le risque tératogène et la nécessité d’une contraception pendant toute la période de traitement; au moins une fois par an, réévaluation du traitement, en parcourant avec la patiente un "risk acknowledgement form". Le programme doit pouvoir permettre aux patientes de comprendre parfaitement le risque tératogène et l’importance de la contraception.

  • Du matériel éducationnel revu pour les médecins et les patients sera mis à disposition (à consulter via le symbole  sur le site du CBIP). Une "patient alert card" jointe à l’emballage pourra être parcourue par le pharmacien avec le patient lors de la délivrance du médicament.

  • Un avertissement visuel concernant le risque tératogène est apposé sur l’emballage des spécialités à base d’acide valproïque. Note: cette dernière mesure a déjà été prise en Belgique et un tel avertissement (texte + pictogramme) figure désormais sur tous les emballages des nouveaux lots de médicaments à base d’acide valproïque.


Sources spécifiques

1 Valproate Article-31 referral - New measures to avoid valproate exposure in pregnancy endorsed. Via www.ema.europa.eu > Advanced document search > terme de recherche: “valproate”, ou cliquez ici (23/03/2018)
2 More recommendations to minimise exposure to valproate in pregnancy. DTB 2018:56;39-40 (doi: 10.1136/dtb.2018.4.0607)
3 Tomson T, Battino D, Bonizzonie E, Craig et al. Comparative risk of major congenital malformations with eight different antiepileptic drugs: a prospective cohort study of the EURAP registry. Lancet Neurol 2018, early online op 18 april 2018 (http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(18)30107-8)