Hypothyroïdie subclinique: faut-il traiter?

L’hypothyroïdie subclinique (ou hypothyroïdie fruste) est davantage  une entité biologique que clinique. Nous avions déjà discuté l’insuffisance d’arguments pour traiter les personnes âgées de plus de 65 ans dans cette situation [voir Folia novembre 2017]. Une méta-analyse vient de confirmer la notion qu’un traitement de substitution par hormones thyroïdiennes ne se justifie pas, dans la majorité des cas, quel que soit l’âge du patient. Nous ne disposons pas de données concernant la femme enceinte.

L’hypothyroïdie subclinique (appelée aussi hypothyroïdie fruste) est caractérisée par la présence d’une TSH sérique augmentée (> 4,5 mU/l) alors que les valeurs de T3 et de T4 libres sont normales [voir Folia novembre 2017]. Le diagnostic repose donc principalement sur des paramètres biologiques. La présence de symptômes évocateurs d’une carence chez ces patients est plutôt aléatoire (ce sont des symptômes aspécifiques, que l’on peut également rencontrer chez des personnes sans troubles thyroïdien et qui ne sont pas forcément présents en cas de trouble thyroïdiens) et le bénéfice du traitement substitutif reste difficile à évaluer. Les hypothyroïdies subcliniques évoluent spontanément vers une résolution dans un grand nombre de cas, d’autant plus si la TSH est < à 6 mU/l, ce qui justifie une attitude attentiste.1
La nécessité de traiter fait l’objet de controverses. Le traitement médicamenteux n’est en général recommandé que lorsque le taux de TSH est supérieur à 10 mU/l.2 Certaines données observationnelles ont évoqué la possibilité d’un risque accru de morbidité et mortalité cardiovasculaire lors d’une hypothyroïdie subclinique, mais aucun bénéfice d’un traitement de substitution n’a pu être démontré sur ces paramètres.3  
Une étude randomisée contrôlée menée dans une population de personnes âgées (≥65 ans) a confirmé l’absence d’argument pour traiter cette population spécifique au moyen d’hormones thyroïdiennes [voir Folia novembre 2017].
Une méta-analyse d’études randomisées contrôlées  a évalué les bénéfices d’un traitement substitutif chez des patients avec hypothyroïdie subclinique, quel que soit leur âge (les femmes enceintes ont été exclues de l’investigation).4

Méta-analyse de RCTs (N=21/n=2192). Les femmes enceintes ont été exclues de l’investigation. Les patients inclus  présentent, selon les études, les caractéristiques suivantes: âges moyens entre 32 et 75 ans et taux moyens de TSH au moment de l’inclusion entre 4,4 et 12,8 mU/l. L’étude décrite dans le folia de novembre 2017 a été incluse dans le méta-analyse. Les critères primaires sont la qualité de vie générale ainsi que les symptômes et la qualité de vie potentiellement associés à la dysfonction thyroïdienne. La majorité (>70%) des patients inclus avaient un taux initial de TSH < 7 mU/l. Le seuil de TSH au-delà duquel un traitement se justifie reste difficile à définir sur base des données issues de cette étude étant donné l’absence d’analyse en sous-groupe, en fonction de ce taux. A noter le faible nombre de patients (<5%) dont le taux de TSH initial dépassait les 10 mU/l, qui est le seuil généralement proposé dans les recommandations.4

Le traitement avec les hormones thyroïdiennes a montré un retour des valeurs de TSH à la normale sans bénéfice sur la qualité de vie ni sur les symptômes attribués à la dysfonction thyroïdienne (critères primaires de l’évaluation). Ces résultats confirment le peu d’intérêt de traiter les patients qui présentent une hypothyroïdie subclinique. Un suivi régulier des paramètres thyroïdiens reste néanmoins nécessaire.
La femme enceinte doit faire l’objet d’une évaluation et d’une attention particulières. L’exclusion de cette catégorie de patientes dans la  méta-analyse décrite ici ne permet pas de tirer de conclusion à leur propos.

Chez la femme enceinte, les besoins accrus en hormones thyroïdiennes et les risques fœto-maternels potentiels en cas de sous-dosage, justifient une attention particulière.1 Le diagnostic d’hypothyroïdie fruste est difficile à établir étant donné la variation physiologique de la TSH tout au long de la grossesse.5 L’hypothyroïdie fruste pendant la grossesse pourrait être associée à un risque accru d’hématome rétro-placentaire, de prématurité et de détresse respiratoire néonatale.Une recommandation de la Haute Autorité de Santé française (HAS) mentionne qu’un traitement thyroxinique pourrait se justifier dès lors que la TSH dépasse le seuil de 4 mU/l tout en précisant que l’intérêt d’un tel traitement ne soit pas formellement établi.5

Sources spécifiques

1 Van Lieshout J, Felix-Schollaart B, Bolsius EJM, et al. NHG-Standaard Schildklieraandoeningen (Tweede herziening). https://www.nhg.org/standaarden/volledig/nhg-standaard-schildklieraandoeningen​
Hypothyroïdies chez les adultes: de la lévothyroxine selon la clinique et la biologie, mais non pour toute élévation de la TSH. Rev Prescrire 2015 ; 35(379) :355-62.
Hypothyroïdie périphérique chez un adulte. L’essentiel sur les soins de premier choix. Premiers Choix Prescrire. Actualisation: janvier 2018.
Feller M, Snel M, Moutzouri E, et al. Association of Thyroid Hormone Therapy With Quality of Life and Thyroid-Related Symptoms in Patients With Subclinical Hypothyroidism: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA. 2018;320(13):1349–1359.

5 Hypothyroïdies frustes chez l’adulte : diagnostic et prise en charge. Recommandations HAS avril 2007.