Etude DECLARE-TIMI (étude de sécurité cardiovasculaire évaluant la dapagliflozine)

L’étude DECLARE-TIMI1 est la troisième étude de sécurité cardiovasculaire publiée à propos d’une gliflozine. Elle a évalué la dapagliflozine par rapport au placebo, chez des patients diabétiques à risque cardiovasculaire élevé, sur des critères d’évaluation cardiovasculaires. La plupart des patients prenaient déjà un ou plusieurs autre(s) médicament(s) antidiabétique (par exemple, 80% des patients, dans les 2 groupes, prenaient de la metformine).
Les 2 études précédentes (EMPA-REG avec empagliflozine et CANVAS avec canagliflozine) avaient montré, chez des patients diabétiques à risque cardio-vasculaire élevé (majoritairement avec antécédents cardiovasculaires et 1 sur 5 présentait une néphropathie), un bénéfice sur un critère d’évaluation primaire combiné composé de mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde et AVC non fatals [voir Folia février 2017, avril 2017, octobre 2017 (EMPA-REG) et août 2017 (CANVAS)]. Dans l’étude DECLARE-TIMI (n=17.160), la dapagliflozine n’a pas démontré de bénéfice sur ce même critère d’évaluation primaire. Il est survenu chez 8,8% des patients sous dapagliflozine et 9,4% des patients sous placebo (HR=0,93 ; IC à 95% 0,84 à 1,03 ; p=0,17). La dapagliflozine a par contre démontré un bénéfice sur un autre critère d’évaluation primaire combiné (mortalité cardiovasculaire et hospitalisations pour insuffisance cardiaque) survenu chez 4,9 % des patients sous dapagliflozine et 5,8% sous placebo (HR= 0,83 ; IC à 95% 0,73 à 0,95 ; p<0,005). Ce critère d’évaluation combiné avait été rajouté après le début de l’étude, en raison des bénéfices démontrés sur ces événements dans les études EMPA-REG et CANVAS, en tant que critères secondaires. Une combinaison d’évènements en lien avec la néphropathie a également été examinée dans l’étude DECLARE-TIMI, en tant que critère d’évaluation secondaire. Les résultats sont en faveur de la dapagliflozine, comme cela avait été le cas pour l’empagliflozine et la canagliflozine (également critères d’évaluation secondaires prédéfinis dans les études EMPA-REG et CANVAS, respectivement).

Quelques commentaires

  • La population incluse dans l’étude DECLARE-TIMI diffère sensiblement de celle des 2 autres études. D’une part, contrairement aux études EMPA-REG et CANVAS, les patients avec insuffisance rénale n’avaient pas été inclus dans l’étude DECLARE-TIMI (une eGFR < 60ml/min/1,73m² était un critère d’exclusion) et d’autre part, la proportion de patients avec macro-angiopathie avérée était inférieure (moins de la moitié dans DECLARE-TIMI, contre 100% dans l’étude EMPA-REG et quasi les ¾ dans l’étude CANVAS).  La question de savoir si ces particularités peuvent expliquer l’absence de bénéfice de la dapagliflozine sur le premier critère d’évaluation cardiovasculaire primaire combiné se pose.

  • Le bénéfice démontré avec la dapagliflozine sur le second critère primaire l’est principalement grâce au bénéfice sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR= 0,73 ; IC à 95% 0,61 à 0,88), potentiellement attribuable à l’effet "diurétique" de cette molécule. La mortalité cardiovasculaire n’est pas affectée (HR= 0,98 ; IC à 95% 0,82 à 1,17). Ce second critère primaire a été rajouté après le début de l’étude, motivé par les résultats de l’étude EMPA-REG où les bénéfices (avec l’empagliflozine) en terme de mortalité cardiovasculaire et hospitalisations pour insuffisance cardiaque (qui étaient des critères d’évaluation secondaires) étaient encore plus marqués que les bénéfices sur les événements cardiovasculaires majeurs du critère primaire.

  • Le design de ces études de sécurité cardio-vasculaires, dont l’objectif premier est de rassurer quant à l’innocuité, et où l’on procède de façon hiérarchique en analysant d’abord la non infériorité de la molécule, en traitement "add-on" et en comparaison au placebo, avant de réaliser une évaluation de sa supériorité, pose question.

  • Il est bon de rappeler également que les résultats issus de critères d’évaluation secondaires sont encourageants, mais uniquement générateurs d’hypothèses. On ne peut conclure à ce stade de façon formelle à un bénéfice rénal des gliflozines.

  • Récemment, l’American Diabetes Association (ADA) et la European Association for the study of diabetes (EASD) ont publié un rapport de consensus à propos de la prise en charge de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2.2 Des modifications importantes sont proposées sur l’échiquier thérapeutique, parmi lesquelles, chez les patients diabétiques avec antécédents cardiovasculaire, une fois que la metformine ne suffit plus à assurer le contrôle glycémique, ce sont les gliflozines (ou les analogues du GLP1)  qui sont proposés en premier choix pour le traitement "add-on".  Ces modifications sont motivées principalement par les résultats des études de sécurité cardio-vasculaires réalisées avec ces classes thérapeutiques.

Le CBIP est d’avis que les données issues de ces études de sécurité cardiovasculaire sont rassurantes quant à l’innocuité cardiovasculaire des gliflozines. Elles peuvent également apporter des éléments utiles à la discussion à propos de la meilleure façon de prendre en charge le traitement des patients diabétiques de type 2, en particulier pour préciser  quelles seraient les catégories de patients les plus susceptibles de bénéficier de l’avantage de ces nouvelles molécules, plus coûteuses et pour lesquelles le recul de pharmacovigilance n’est pas très important. Une analyse critique reste nécessaire.
Nous reviendrons prochainement sur ces publications.

Sources spécifiques

1 Wiviott SD, Raz I, Bonaca MP, et al. Dapagliflozin and Cardiovascular Outcomes in Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2019 ; 380(4):347-357. doi: 10.1056/NEJMoa1812389. Epub 2018 Nov 10.
Davies MJ, D’Alessio DA, Fradkin J, et al. Management of hyperglycaemia in type 2 diabetes, 2018. A consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD). Diabetologia 2018 ; 61:2461-98. https://doi.org/10.1007/s00125-018-4729-5.