Analogues insuliniques versus insulines humaines dans le diabète de type 2

Ces dernières années, les analogues insuliniques (à durée d’action ultrarapide et à longue durée d’action) ont progressivement remplacé les insulines humaines (à durée d’action rapide ou intermédiaire) dans les habitudes de prescription. L’insuline glargine, un analogue à longue durée d’action, et l’insuline aspart, un analogue à durée d’action ultrarapide,  sont respectivement 12ème et 22ème au top 25 des dépenses INAMI en 2017 pour les médicaments dans le secteur ambulatoire1, alors qu’aucune insuline humaine ne s’y retrouve.

Analogues insuliniques à longue durée d’action versus insulines humaines à durée d’action intermédiaire

Les analogues insuliniques à longue durée d’action (insuline détémir et insuline glargine) ont été développés dans le but d’augmenter la stabilité de l’effet, la résorption des insulines humaines (insulines isophanes à durée d’action intermédiaire) présentant une importante variabilité intra-individuelle.
La Cochrane Collaboration a publié une méta-analyse, comparant les analogues insuliniques à longue durée d’action aux insulines humaines isophanes (durée d’action intermédiaire), dans le diabète de type 22. Globalement la qualité des preuves disponibles est jugée trop faible par les auteurs pour des conclusions formelles, principalement parce que la plupart des études incluses ne sont pas effectuées en double-aveugle et du fait d’inconsistances dans les rapports d’événements (en particulier en ce qui concerne les hypoglycémies). Le contrôle glycémique est similaire quel que soit le type d’insuline (analogues ou humaines), et toutes entraînent une prise de poids et des hypoglycémies. Les auteurs de la méta-analyse concluent que, si avantage il y a (des analogues insuliniques à longue durée d’action), celui-ci est limité, et qu’il concerne un risque plus faible d’hypoglycémie, mais uniquement nocturne. Update février2022: cette méta-analyse a été mise à jour: voir Folia de mars 2022 pour plus d’informations ; cette mise à jour ne remet pas en question nos conclusions à propos des analogues insuliniques à longue durée d’action.

Cochrane Review de 2007, dont la dernière mise à jour date de 2009, qui a comparé les analogues insuliniques à longue durée d’action à l’insuline humaine dans le diabète de type 2. Les auteurs ont souligné la qualité globalement faible des études disponibles. Ils ont conclu à un bénéfice clinique possible mais limité des analogues insuliniques à longue durée d’action. Il n’y a pas de différence sur le risque d’hypoglycémie sévère mais bien sur le risque d’hypoglycémie nocturne symptomatique, qui est plus élevé avec les insulines humaines.
-  La majorité des études publiées ces dernières années comparent des analogues insuliniques entre eux. L’insuline humaine isophane est rarement le comparateur choisi.

Dans la pratique clinique, il semble néanmoins que les caractéristiques des analogues insuliniques à longue durée d’action apportent un avantage par rapport à l’insuline humaine isophane. Cette dernière nécessite un mélange soigneux avant l’administration (il faut faire pivoter lentement le stylo de haut en bas au moins 20 fois avant l’injection), ce qui est une contrainte que les analogues insuliniques n’ont pas. Lorsque le mélange n’est pas suffisant, cela peut augmenter le risque de dosage inadéquat et, par exemple, le risque d’hypoglycémies nocturnes. Les hypoglycémies nocturnes impactent également la confiance du patient dans son traitement, contribuant ainsi à l’inertie thérapeutique.

Deux études épidémiologiques rétrospectives américaines, menées chez des patients diabétiques de type 2, apportent quelques informations supplémentaires. Rappelons néanmoins le faible niveau d’évidence que l’on peut retirer de ce genre d’études où le risque de biais et de facteurs confondants est élevé. Par ailleurs, le contrôle glycémique est généralement meilleur chez les patients belges atteints de diabète de type 2 et traités avec de l’insuline, que dans les cohortes incluses dans ces études6.

  • La première étude3 ne montre pas de différence entre un analogue insulinique à longue durée d’action et l’insuline humaine isophane à durée d’action intermédiaire sur les admissions aux urgences pour hypoglycémies. Le contrôle glycémique avec les analogues de l’insuline était par contre statistiquement légèrement meilleur mais sans pertinence sur le plan clinique (différence moyenne de 0,22 % d’HbA1c).

  • La seconde étude4 a évalué l’ impact du switch entre un analogue insulinique à longue durée d’action et une insuline humaine isophane à durée d’action intermédiaire. Le contrôle glycémique est devenu légèrement moins bon sans que cela ne soit cliniquement pertinent non plus (différence en HbA1c de 0,14 %) et sans entraîner plus d’événements hypo- ou hyperglycémiques sérieux.

- Dans la première étude clinique3, l’HbA1c moyenne à l’inclusion est de 9,4 % (SD 2).
- Dans la seconde étude clinique4 : l’HbA1c moyenne à l’inclusion est de 8,5 % (IC à 95 % 8,4 à 8,52). Les caractéristiques des candidats considérés par les auteurs comme idéals pour le switch étaient les suivantes : plus de 2 injections/j ou recevant à la fois une insuline basale et prandiale, plus de 50 unités par jour, antécédents de non-observance , absence d’antécédents d’hypoglycémies récurrentes. Le protocole du switch était le suivant : arrêt des sécrétagogues (sulfamidés hypoglycémiants ou glinides) ; dose de départ = 80 % de la dose des analogues insuliniques ; en cas d’insulines mixées, les 2/3 de la dose sont administrés avant le petit déjeuner et le tiers restant avant le repas principal ; adaptation ultérieure des doses selon auto-contrôle glycémique.
- Les patients inclus dans les 2 études décrites ici diffèrent sensiblement des patients belges diabétiques de type 2 traités par insuline. Dans le rapport de l’Initiative pour la promotion de la qualité et de l’épidémiologie du diabète sucré (IPQED 2014) de l’Institut de Santé Publique6, les patients diabétiques de type 2 traités, dans le cadre de la convention, par au moins 2 injections d’insuline, ont une HbA1c médiane de 7,3 % (6,7- 8,1).

Analogues insuliniques à durée d’action ultrarapide versus insulines humaines à durée d’action rapide

Les analogues insuliniques à durée d’action ultrarapide (insuline glulisine, insuline aspart et insuline lispro) sont plus rapidement résorbés, avec des concentrations plasmatiques maximales plus élevées, que les insulines humaines à durée d’action rapide. Ils se rapprochent de ce fait d’avantage du profil physiologique de l’insuline en réponse à un repas.  Ces caractéristiques laissaient espérer un meilleur contrôle de la glycémie, un risque moindre d’hypoglycémies et un bénéfice global sur la qualité de vie des patients insulinodépendants5. Dans les faits, en particulier dans le diabète de type 2, il semble que cela ne soit pas clairement le cas.
La Cochrane Collaboration a publié une méta-analyse, comparant les analogues insuliniques à durée d’action ultrarapide aux insulines humaines à durée d’action rapide, dans le diabète de type 25. Globalement la qualité des preuves disponibles est jugée trop faible par les auteurs pour des conclusions formelles, pour les mêmes raisons que décrites dans la Cochrane Review évaluant les analogues à longue durée d’action (voir ci-dessus). Le contrôle glycémique est similaire quel que soit le type d’insuline (analogues ou humaines), et toutes entraînent une prise de poids et des hypoglycémies, sans que l’on puisse mettre en évidence une différence.

Cochrane Review, publiée en 20182, qui évalue les analogues insuliniques à durée d’action ultrarapide en comparaison aux insulines humaines dans le diabète de type 2. Il est impossible de conclure à un bénéfice des analogues à durée d’action ultrarapide par rapport aux insulines humaines, tant sur le contrôle glycémique que sur le risque d’hypoglycémies.

En conclusion 

Les analogues de l’insuline (tant à action ultrarapide qu’à longue durée d’action) ont progressivement remplacé les insulines humaines dans les habitudes de prescription, malgré une balance bénéfice/risque similaire, dans les études cliniques, et un coût plus élevé.  Dans la pratique clinique, les analogues insuliniques à longue durée d’action semblent présenter certains avantages par rapport aux insulines humaines isophanes (en termes de facilité d’emploi et d’inertie thérapeutique). Dans le diabète de type 2, les analogues insuliniques à durée d’action ultrarapide ne présentent pas d’avantage par rapport aux insulines humaines à durée d’action rapide.
Le CBIP est d’avis qu’il serait utile de disposer de plus d’études cliniques de bonne qualité, comparant des analogues insuliniques par rapport aux insulines humaines.  Ceci permettrait de déterminer avec plus de précision les catégories de patients diabétiques les plus susceptibles de retirer un avantage des analogues insuliniques, qui sont plus coûteux que les insulines humaines.

Sources spécifiques

Infospot - Le TOP 25 des principes actifs dans les dépenses du secteur ambulatoire de l’assurance soins de santé en 2017- Juillet - Août - Septembre 2018. Via https://www.riziv.fgov.be/fr/publications/Pages/infospot-top-25-2017.aspx
2 Horvath K, Jeitler K, Berghold A, Ebrahim SH, Gratzer TW, Plank J, Kaiser T, Pieber TR, Siebenhofer A. Long-acting insulin analogues versus NPH insulin (human isophane insulin) for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database of Systematic Reviews 2007, Issue 2. Art. No.: CD005613. DOI: 10.1002/14651858.CD005613.pub3. Update de cette Méta-analyse : Semlitsch T, Engler J, Siebenhofer A, Jeitler K, Berghold A, Horvath K. (Ultra-)long-acting insulin analogues versus NPH insulin (human isophane insulin) for adults with type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database of Systematic Reviews 2020, Issue 11. Art. No.: CD005613. DOI: 10.1002/14651858.CD005613.pub4.
3 Lipska KJ, Parker MM, Moffet HH, et al. Association of Initiation of Basal Insulin Analogs vs Neutral Protamine Hagedorn Insulin With Hypoglycemia-Related Emergency Department Visits or Hospital Admissions and With Glycemic Control in Patients With Type 2 Diabetes. JAMA 2018; 320(1):53-62. doi: 10.1001/jama.2018.7993.
4 Luo J, Khan NF, Manetti T, et al. Implementation of a Health Plan Program for Switching From Analogue to Human Insulin and Glycemic Control Among Medicare Beneficiaries With Type 2 Diabetes. JAMA. 2019 Jan 29;321(4):374-384. doi: 10.1001/jama.2018.21364
5 Fullerton B, Siebenhofer A, Jeitler K, Horvath K, Semlitsch T, Berghold A, Gerlach FM. Short-acting insulin analogues versus regular human insulin for adult, non-pregnant persons with type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 12. Art. No.: CD013228. DOI: 10.1002/14651858.CD013228.
6 Lavens A, Chao S, Buysschaert M, Krzentowski G, Mathieu C, Nobels F, Vandemeulebroucke E, Verhaegen A, Doggen K, Van Casteren V. Initiative pour la Promotion de la qualité et de l’Epidémiologie du Diabète sucré – IPQED. Direction opérationnelle Santé Publique et Surveillance, 2016, Bruxelles. Institut Scientifique de Santé Publique. Via https://www.sciensano.be/sites/www.wiv-isp.be/files/ipqed_report_2014_fr_final_electronique.pdf​​