Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Rétinoïdes: nouvelles recommandations de l’EMA pour éviter l’exposition in utero

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Il est bien connu que les rétinoïdes sont fortement tératogènes. Lors de l’administration orale de rétinoïdes (isotrétinoïne, acitrétine, bexarotène, trétinoïne), il y a lors de l’utilisation au cours du 1er trimestre de la grossesse e.a. un risque accru de malformations cranofaciales et cardiovasculaires et de malformations du système nerveux central; environ 1 grossesse sur 3 avec exposition à un rétinoïde oral se termine par un avortement spontané. La constatation que des femmes enceintes sont encore toujours exposées à des rétinoïdes oraux, et que les précautions d’emploi du "programme de prévention de la grossesse" (Pregnancy Prevention Program ou PPP) déjà existant pour l’isotrétinoïne sont insuffisamment connues par des professionnels de la santé et des patients, a été la raison pour laquelle  l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) a évalué la nécessité de mesures complémentaires éventuelles.

- Lorsque le RCP et la notice ne sont pas jugés suffisants pour garantir un usage ainsi sûr que possible d’un médicament, l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) peut exiger des activités complémentaires de minimisation des risques. Un programme de prévention de la grossesse (pregnancy prevention program ou PPP) pour des médicaments tératogènes constitue une de ces activités, et correspond à des documents dans lesquels sont décrites les conditions pour la prescription et la délivrance du médicament tératogène, et à des mesures complémentaires pour éviter une exposition in utero.1
- Des études effectuées en Belgique montrent aussi que le PPP pour l’isotrétinoïne est trop peu suivi, en particulier concernant les recommandations pour la contraception.2,3

Les conclusions de l’EMA sont les suivantes.4

Tous les rétinoïdes oraux sont contre-indiqués pendant la grossesse, et un nouveau programme de prévention de la grossesse (PPP) est d’application pour l’isotrétinoïne et l’acitrétine

L’EMA confirme que les rétinoïdes utilisés par voie orale sont contre-indiqués  pendant la grossesse.

Isotretinoïne en acitrétine

De plus, l’isotrétinoïne et l’acitrétine ne peuvent pas être utilisés chez les jeunes filles et les femmes en âge de procréer, à moins qu’il soit satisfait aux conditions d’un PPP. Le précédent PPP de l’isotrétinoïne est revu, et pour l’acitrétine un PPP est donc aussi d’application.

  • Les PPP’s doivent faire en sorte que les patientes comprennent à fond le risque tératogène et l’importance de la contraception. Un “Formulaire d’accord de soins de prescription aux patientes“ (risk acknowledgement form) doit être parcouru avec la patiente, et signé par celle-ci. Un exemplaire est conservé dans le dossier médical et un exemplaire est remis à la patiente. Les formulaires sont en principe disponibles à partir de fin février 2019 (via le symbole   à hauteur des spécialités sur le site web du CBIP): voir Répertoire chapitre 15.5.5. (Isotrétinoïne) et chapitre 15.7.4.(Acitrétine).

  • Les conditions du PPP sont e.a. les suivantes:

    • une évaluation du risque que la patiente tombe enceinte;

    • les exigences concernant les tests de grossesse: avant de débuter le traitement, pendant le traitement (de préférence chaque mois) et après le traitement (pour l’isotrétinoïne: un test 1 mois après l’arrêt; pour l’acitrétine: un test tous les 1 à 3 mois pendant une période de trois ans après l’arrêt);

    • les exigences concernant la contraception : au moins un mois avant le début du traitement,  pendant le traitement, et pendant un mois (isotrétinoïne) ou 3 ans (acitrétine) après l’arrêt.

- En matière de contraception, on recommande, soit au moins une méthode contraceptive très efficace (c’est-à-dire une méthode “indépendante de l’utilisatrice”, à savoir un IUD ou un implant), soit deux méthodes contraceptives complémentaires dépendant de l’utilisatrice.
- Avec l’acitrétine la période exigée de contraception après l’arrêt (3 ans) est aussi longue car l’acitrétine peut se métaboliser en étrétinate, une substance encore plus tératogène ayant une très longue demi-vie. La métabolisation de l’acitrétine en étrétinate est plus importante en cas de prise d’alcool [voir Folia mars 2017].
  • Du matériel éducatif revu, à l’attention des médecins et patientes sera en principe mis à disposition fin février 2019 (à consulter via le symbole à hauteur des spécialités sur le site web du CBIP): voir Répertoire chapitre 15.5.5. (Isotrétinoïne) et chapitre 15.7.4. (Acitrétine).  Lors de la délivrance du médicament, le pharmacien pourra parcourir avec la patiente une "patient alert card".

  • Un avertissement (pictogramme d’interdiction + texte d’avertissement) concernant le risque tératogène sera apposé sur l’emballage extérieur des spécialités à base d’isotrétinoïne et d’acitrétine et il est prévu que cela se fera dans le courant de l’année 2019.

  • Chez les femmes en âge de procréer, il est recommandé de ne prescrire une spécialité à base d’isotrétinoïne ou d’acitrétine que par période d’un mois.

Bexarotène et trétinoïne

Pour le bexarotène et la trétinoïne, en raison de leurs indications spécifiques (oncologie), des mesures complémentaires n’ont pas été imposées par rapport aux conditions déjà existantes en matière de contraception et de tests de grossesse dans le RCP.

Adapalène et trétinoïne appliqués localement

L’EMA confirme que les rétinoïdes appliqués localement adapalène et trétinoïne ne peuvent pas être utilisés pendant la grossesse et chez les femmes qui planifient une grossesse. Ceci est une mesure de précaution: le risque pour le fœtus est probablement limité vu la très faible résorption. Pour ces médicaments il n’y a pas non plus de mesures complémentaires imposées.

Note: effets indésirables neuropsychiatriques

L’EMA a aussi évalué les signaux d’effets indésirables neuropsychiatriques avec les rétinoïdes.

  • Des effets indésirables neuropsychiatriques (e.a. dépression, angoisse, troubles de l’humeur, (tentative de) suicide) sont rapportés au cours du traitement avec des rétinoïdes oraux. Selon l’EMA, il n’est actuellement pas possible de déterminer s’il y a un lien de causalité vu la limitation des données (notifications spontanées, études observationnelles).  Il a été néanmoins décidé de reprendre un avertissement à ce sujet dans le RCP et la notice des rétinoïdes oraux. La prudence s’impose en particulier chez les patients ayant des antécédents de dépression.

  • Pour les rétinoïdes appliqués localement, il n’y a, sur base de données très limitées, pas d’indications d’un risque d’effets indésirables neuropsychiatriques.

Sources spécifiques

1 http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Scientific_guideline/2014/02/WC500162051.pdf
Lelubre M, Hamdani J, Senterre C et al. Evaluation of compliance with isotretinoin PPP recommendations and exploration of reasons for non-compliance : Survey among French-speaking health care professionals and patients in Belgium. Pharmacoepidemiol Drug Saf 2018:27;668-73 (doi: 10.1002/pds.4441)
Biset N, Lelubre M, Senterre C et al. Assessment of medication adherence and responsible use of isotretinoin and contraception through Belgian community pharmacies by using pharmacy refill data. Patient Prefer Adherence 2018:12:153-61
EMA. Retinoid-containing medicinal products. Via https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/referrals/retinoid-containing-medicinal-products. PRAC assessment report via https://www.ema.europa.eu/documents/referral/retinoid-article-31-referral-prac-assessment-report_en.pdf​