Influenza 2019-2020

1.  Vaccins antigrippaux
  • Pour la saison grippale 2019-2020, des vaccins tétravalents (c.-à-d. avec 2 composantes du virus de l’influenza A et 2 composantes du virus de l’influenza B) sont disponibles, comme l’année dernière. Ce sont des vaccins injectables "inactivés".

  • Les groupes cibles prioritaires pour la vaccination, tels que définis par le  Conseil Supérieur de la Santé (CSS) pour la saison 2019-2020, n’ont pas changé par rapport à la saison précédente.

  • Des mises à jour récentes (2018) de certaines Cochrane Reviews confirment que la vaccination offre une protection partielle contre le risque d’infection grippale chez les personnes âgées, les adultes en bonne santé et les enfants en bonne santé, et qu’elle diminue le risque d’exacerbation chez les patients atteints de BPCO. Cependant, ces mises à jour montrent une fois de plus le manque de données de bonne qualité sur l’impact de la vaccination sur la morbidité et la mortalité.

  • Le rapport bénéfice/risque de la vaccination antigrippale est considéré comme favorable pour les personnes à risque élevé de complications, certainement les patients ayant une pathologie sous-jacente et les patients immunodéprimés. Ces personnes appartiennent aux groupe prioritaires pour la vaccination tels que définis par le CCS. Dans le guide de pratique clinique “Prévention de l’influenza en médecine générale” (2018, EBMPracticeNet), la recommandation la plus forte en matière de vaccination concerne les patients atteints de maladies chroniques, les personnes âgées résidant dans une maison de soins et de repos et les femmes enceintes.  

2.  Inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir)

  • L’oseltamivir n’a qu’une place très limitée dans le traitement de la grippe.

  • Le guide de pratique clinique “Prévention de l’influenza en médecine générale” (2018, EBMPracticeNet) ne prévoit pas de place pour l’administration préventive d’oseltamivir.

Dans cet article, l’attention est portée sur:
les vaccins antigrippaux
les inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir).

Nous revenons tout d’abord à la saison grippale 2018-2019 : l’épidémie de grippe (semaines 4 à 11 de 2019) était d’intensité modérée, comparable aux trois saisons grippales précédentes.  Ce sont principalement des virus de l’influenza A qui ont circulé, avec une prédominance de la souche A(H3N2) (source: résultats1 de la surveillance annuelle de la grippe et du syndrome grippal en Belgique par Sciensano).

Vacciné ou non, quelques mesures de précautions simples telles que le lavage régulier des mains avec du savon et une bonne hygiène de l’éternuement et de la toux restent essentielles pour limiter la propagation et la contamination par le virus de l’influenza, certainement en cas d’épidémie de grippe.2,3

1.  Les vaccins antigrippaux

Les spécialités pour la saison 2019-2020

  • Comme pour la saison grippale précédente, seuls des vaccins antigrippaux tétravalents (c.-à-d. avec 2 composantes du virus de l’influenza A et 2 composantes du virus de l’influenza B) seront disponibles en Belgique. Il s’agit de:  α-RIX-Tetra®, Vaxigrip Tetra®, Influvac Tetra® (mentionnés sur notre site Web lors de la mise à jour d’août 2019). Tous trois sont des vaccins injectables "inactivés".  Si le médecin indique sur l’ordonnance “Vaccin antigrippal” au lieu d’un nom de spécialité, le pharmacien peut délivrer l’un des trois vaccins.

  • La composition des vaccins antigrippaux tétravalents pour la saison 2019-2020, sur la base des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)4, est la suivante.

    • A/Brisbane/02/2018 (H1N1) pdm09 ou une souche apparentée

    • A/Kansas/14/2017 (H3N2) ou une souche apparentée

    • B/Colorado/06/2017 ou une souche apparentée (appelée "ligne B Victoria")

    • B/Pukhet/3073/2013 ou une souche apparentée (appelée "ligne B Yamagata").

      Par rapport à la saison grippale 2018-2019, il y a une adaptation des deux composantes de l’influenza A; les composantes de l’influenza B sont inchangées.
  • En ce qui concerne l’âge à partir duquel le vaccin antigrippal peut être utilisé, il existe des différences selon les RCP : α-RIX-Tetra® et Vaxigrip tetra® à partir de l’âge de 6 mois; Influvac Tetra® à partir de 3 ans. Nous référons au Répertoire pour plus de détails sur l’administration et la posologie des vaccins antigrippaux.

Avis du Conseil Supérieur de la Santé

  • Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a, comme chaque année, défini les groupes à risque5, et ce par ordre de priorité en cas de pénurie de vaccins contre la grippe. Les groupes à risques tels que définis pour la saison 2019-2020 n’ont pas changé par rapport à la saison précédente.

Groupes tels que définis par le CSS5:
  • Groupe 1: personnes présentant un risque plus élevé de complications de l’influenza, c’est-à-dire:
    • Toutes les femmes enceintes quel que soit le stade de la grossesse [voir aussi Folia août 2018].
    • les patients âgés de plus de 6 mois souffrant d’une affection chronique sous-jacente (stabilisée ou non) des poumons, du cœur, du foie, des reins, de troubles métaboliques ou neuromusculaires ou de troubles de l’immunité (naturels ou induits);
    • les personnes à partir de 65 ans;
    • les personnes placées dans une institution;
    • les enfants âgés de 6 mois à 18 ans sous traitement chronique par l’acide acétylsalicylique.
  • Groupe 2: les personnes travaillant dans le secteur de la santé [voir aussi Folia août 2017].
  • Groupe 3: les personnes vivant sous le même toit que
    • les personnes à risque du groupe 1;
    • les enfants âgés de moins de 6 mois.
  • En outre, le Conseil Supérieur de la Santé recommande également la vaccination de toutes les personnes âgée de 50 à 64 ans, même si elles ne souffrent pas d’une affection à risque, surtout si elles fument, boivent excessivement ou sont obèses.

Positionnement des vaccins contre l’influenza

  • Les vaccins antigrippaux actuellement disponibles offrent une protection partielle contre le risque d’infection grippale. Leur impact global est modeste et en tout cas incomplet, surtout pendant les saisons où les virus vaccinaux ne correspondent pas parfaitement aux virus circulants. Leur impact sur la morbidité et la mortalité reste incertain en raison de la qualité des données de l’étude [voir aussi Folia juillet 2013].  Les mises à jour récentes (2018) des Cochrane Reviews sur l’effet de la vaccination antigrippale chez les personnes âgées6, les patients atteints de BPCO7, les adultes en bonne santé8 et les enfants en bonne santé9 ne changent pas cette position.10

    - Le risque d’infection grippale diminue chez les personnes vaccinées: de 6 à 2,4% chez les personnes âgées (qualité des preuves jugée faible); de 2,3 à 0,9% chez les adultes en bonne santé (qualité des preuves jugée modérée); de 30 à 11% chez les enfants en bonne santé âgés de 2 à 16 ans (qualité des preuves jugée élevée). Chez les patients atteints de BPCO, la vaccination diminue le nombre d’exacerbations liées au virus d’influenza (qualité des preuves jugée faible); les RCT ne permettent pas de déterminer l’impact de la vaccination sur des critères d’évaluation plus rares tels que l’hospitalisation ou la mortalité. Les Cochrane Reviews montrent une fois de plus le peu de nouvelles données probantes devenues disponibles au cours des dernières années.  Nous nous référons également à la discussion critique des résultats par les auteurs des Cochrane Reviews et du Acute Respiratory Infections Group-editorial team [Cochrane Community blog du 29/01/2018].10
    - Le profil d’innocuité des vaccins antigrippaux est favorable dans les différentes Cochrane Reviews.
  • Des données européennes (non Belges) provenant de la pratique de première ligne (provenant entre autres de l’Espagne, du Danemark et du Royaume-Uni) montrent pour la saison 2018-2019 une efficacité contre l’influenza A (défini comme protection contre l’influenza A confirmée en laboratoire) de 32 à 43%, mais la signification statistique n’a pas toujours été atteinte (sous-analyses par pays/étude, et en fonction de l’âge ou du groupe cible).11 L’efficacité du vaccin, spécifique contre l’influenza A(H3N2), était très faible ou statistiquement non significative.  L’efficacité limitée des vaccins antigrippaux actuels contre l’influenza A(H3N2) est un fait connu depuis quelques années.

    Il ressort d’études que l’efficacité du vaccin contre l’influenza confirmée en laboratoire serait significativement plus faible contre les virus de l’influenza A(H3N2) que contre les virus de l’influenza A(H1N1) pdm09 et l’influenza B, surtout chez les personnes âgées.12,13 Les dérives antigéniques (c.-à-d. les modifications mineures de l’ADN du virus) ainsi que les modifications des propriétés antigéniques au cours du processus de production seraient plus fréquentes pour les virus H3N2 que pour les autres virus de l’influenza et expliqueraient l’efficacité limitée du vaccin.
  • Malgré les limites des vaccins antigrippaux actuels, le rapport bénéfice/risque de la vaccination antigrippale est considéré comme favorable chez les personnes à risque élevé de complications, en particulier les patients présentant une affection sous-jacente et les personnes immunodéprimées.  Ces personnes appartiennent aux groupes prioritaires pour la vaccination tels que définis par le CSS.  Le guide de pratique clinique “Prévention de l’influenza en médecine générale” (2018, EBMPracticeNet)14 est en grande partie conforme, et la recommandation la plus forte en matière de vaccination concerne les patients atteints de maladie chroniques, les personnes âgées résidant dans une maison de soins et de repos, et les femmes enceintes [concernant la vaccination contre la grippe chez les femmes enceintes, voir aussi Folia août 2018].  Dans d’autres groupes (p.ex. personnes > 65 ans résidant à leur domicile, personnel du secteur de la santé) il est recommandé dans le guide de pratique clinique d’ "envisager" la vaccination.

    Les auteurs d’un article paru dans le Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde (série “Ter discussie”)15 plaident en faveur de la vaccination antigrippale du personnel du secteur de la santé, ne serait-ce que pour prévenir l’absence pour cause de maladie de ces derniers en cas d’épidémie de grippe. Comme indiqué dans les Folia d’août 2017, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour savoir en quelle mesure la vaccination du personnel du secteur de la santé a un impact sur la morbidité et la mortalité liées à la grippe chez les patients vulnérables.

Les inhibiteurs de la neuraminidase : oseltamivir

  • L’oseltamivir (Tamiflu®) a une place très limitée dans le traitement de la grippe [voir Folia juillet 2014, juillet 2015 et juillet 2016 et le Répertoire, chapitre 11.4.2.]. Lorsqu’il est débuté dans les 48 heures suivant l’apparition des symptômes, le traitement des adultes par l’oseltamivir réduit la durée des symptômes de la grippe d’environ 17 heures, mais aux dépens de certains effets indésirables (surtout nausées et vomissements).  Rien n’indique que l’oseltamivir a une incidence sur les complications et la mortalité liées à la grippe et sur la propagation du virus. Les chercheurs de la Collaboration Cochrane en sont arrivés à cette conclusion en 2014 après avoir recueilli toutes les données disponibles provenant d’études randomisées. Depuis lors, aucune étude n’a modifié cette conclusion.

    - Toutes les données issues d’études randomisées n’ont été mises à disposition qu’après des années d’insistance de la Collaboration Cochrane et du BMJ (campagne de données ouverte) de la part du fabricant. 
    - En réponse à la campagne du BMJ et aux analyses de la Collaboration Cochrane, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décidé en 2017 de ne plus maintenir l’oseltamivir sur la liste "principale" des médicaments essentiels mais de le déclasser vers la liste "complémentaire" des médicaments essentiels.  Cela signifie que l’OMS ne considère plus l’oseltamivir comme essentiel pour de bons soins de santé de base, mais recommande son utilisation uniquement dans certaines circonstances (influenza sévère chez des patients hospitalisés très malades). De plus, l’OMS n’exclut pas la possibilité qu’en l’absence de nouvelles preuves, l’oseltamivir puisse être complètement retiré des listes des “médicaments essentiels” à l’avenir.16,17
  • Le guide de pratique clinique “Prévention de l’influenza en médecine générale” (2018, EBMPracticeNet)14 ne prévoit pas de place pour l’administration préventive de l’oseltamivir, que ce soit dans les maisons de repos ou autres communautés fermées, ou ailleurs.

Sources spécifiques

1 Sciensano. Résultats de la surveillance de la grippe et du syndrome grippal en Belgique.  Via https://epidemio.wiv-isp.be/ID/diseases/Pages/Influenza.aspx et https://epidemio.wiv-isp.be/ID/diseases/SiteAssets/Pages/Influenza/Influenza_2019_24.pdf
2 Jefferson T, Del Mar CB, Dooley L, Ferroni E, Al-Ansary LA, Bawazeer GA, van Driel ML, Nair S, Jones MA, Thorning S, Conly JM. Physical interventions to interrupt or reduce the spread of respiratory viruses. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue 7. Art. No.: CD006207. (doi: 10.1002/14651858.CD006207.pub4.)
3 Campagnes ondersteund door o.a. de FOD Volksgezondheid, zie www.ubentingoedehanden.be/nl en www.health.belgium.be/nl/gezondheid/zorg-voor-jezelf/omgevingsinvloeden/handhygiene).
4 Website EMA https://www.ema.europa.eu/en/documents/regulatory-procedural-guideline/biologics-working-party-bwp-ad-hoc-influenza-working-group-amended-european-union-recommendations/2020_en.pdf (document van 15/05/2019)
5 Hoge Gezondheidsraad. Vaccinatie tegen seizoensgebonden griep. Winterseizoen 2019-2020. Maart 2019 (HGR NR 9531), via https://www.health.belgium.be/nl/advies-9531-vaccinatie-tegen-griep.
6 Demicheli V, Jefferson T, Di Pietrantonj C, Ferroni E, Thorning S, Thomas RE, Rivetti A. Vaccines for preventing influenza in the elderly. CochraneDatabase of Systematic Reviews 2018, Issue 2. Art.No.:CD004876. DOI: 10.1002/14651858.CD004876.pub4.
7 Kopsaftis Z, Wood-Baker R, Poole P. Influenza vaccine for chronic obstructive pulmonary disease (COPD). Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 6. Art. No.: CD002733. DOI: 10.1002/14651858.CD002733.pub3.
8 DemicheliV, Jefferson T, Ferroni E, Rivetti A,Di Pietrantonj C. Vaccines for preventing influenza in healthy adults. Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 2. Art. No.: CD001269. DOI: 10.1002/14651858.CD001269.pub6.
9 Jefferson T, Rivetti A, Di Pietrantonj C, Demicheli V. Vaccines for preventing influenza in healthy children. Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 2. Art. No.: CD004879. DOI: 10.1002/14651858.CD004879.pub5.
10 Cochrane community Blog. Jefferson T, Rivetti A en Demicheli V. Why have three long-running Cochrane Reviews on influenza vaccines been stabilised? Via https://community.cochrane.org/news/why-have-three-long-running-cochrane-reviews-influenza-vaccines-been-stabilised
11 Kissling E et al. Interim 2018/19 influenza vaccine effectiveness: six European studies, October 2018 to January 2019. Euro Surveill. 2019;24(8):pii=1900121. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2019.24.1900121
12 Belongia EA et al. Variable influenza vaccine effectiveness by subtype: a systematic review and meta-analysis of test-negative design studies. Lancet Infect Dis 2016;16:942-51 (doi: 10.1016/S1473-3099(16)00129-8)
13 https://flunewseurope.org/ > 2018/19 season overview
14 Mokrane S, Delvaux N, Schetgen M, à la demande du groupe de travail de EBMPracticeNet pour le dévéloppement des recommandation de première ligne. Prévention de l’influenza en médecine générale. Mise à jour. Version validée: le 30 mars 2018. Via https://www.ebp-guidelines.be/home (date de publication: 12/07/2018)
15 Groeneveld GH et al. Ter discussie. Het intensieve griepseizoen van 2018. Een pleidooi voor influenzavaccinatie van zorgverleners. Ned Tijdschr Geneeskd. 2018;162:D3323
16 The selection and use of essential medicines. WHO Technical Report Series – 1006; 2017; ISBN: 978-92-4-121015-7. Via https://www.who.int/medicines/publications/essentialmedicines/trs-1006-2017/en/
17 Ebell MH. WHO downgrades status of oseltamivir (editorial). BMJ 2017;358:j3266 (doi: 10.1136/bmj.j3266) (met erratum BMJ 2017;359:j5281 (doi: 10.1136/bmj.j5281)