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L’utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) dans notre pays est élevée, et depuis de nombreuses années quelques IPP figurent dans le top 25 des dépenses de l’INAMI en soins ambulatoires.
Dans les Folia de mai 2022, les risques liés à une prise chronique d’IPP, notamment le risque d’infections, ont été discutés. Beaucoup de ces études n’incluaient pas les enfants. Une étude publiée en 2023 (JAMA Pediatrics1, avec discussion dans La Revue Prescrire2) semble indiquer que le risque d’infections augmente aussi chez les jeunes enfants exposés à un IPP.
Il s’agit d’une étude de cohorte basée sur le registre EPI-MERES (base de données française avec des données de santé concernant la mère et l’enfant). Tous les enfants repris dans le registre, nés entre le 1/1/2010 et le 31/12/2018, à qui a été délivré pour la première fois un IPP, un antihistaminique H2 ou un antiacide avant le 31/12/2019 ont été inclus. L’incidence d’infections graves chez les enfants traités par un IPP a été comparée à l’incidence chez les enfants traités par un antihistaminique H2 ou un antiacide. Au moment où un IPP, un antihistaminique H2 ou un antiacide a été délivré pour la première fois, la moitié des enfants avaient un âge inférieur à 3 mois et ils ont été suivis pendant 3,8 ans (valeur médiane).
L’exposition à un IPP a été associée à un risque accru d’environ 30% d’infections graves par rapports aux enfants exposés à un antihistaminique H2 ou à un antiacide : hazard ratio (HR) de 1,34 (IC 95% 1,32-1,36).
Le risque augmentait,
aussi bien en cas d’exposition à un IPP pendant ≤ 6 mois: HR = 1,34 (IC 95% de 1,32 à 1,36)
qu’en cas d’exposition pendant 7 à 12 mois ou > 12 mois: respectivement HR = 1,32 (IC 95% de 1,30 à 1,34), et HR = 1,32 (IC 95% de 1,30 à 1,34).
Le risque augmentait,
aussi bien chez les grands prématurés et enfants ayant une affection chronique : HR = 1,36
(IC 95% de 1,32 à 1,41)
que chez les enfants nés à terme et les enfants sans maladie chronique: HR = 1,32 (IC 95% de 1,30 à 1,34).
Le risque diminuait avec la durée depuis l’arrêt de l’IPP :
pour un arrêt ≤ 3 mois : HR = 1,13 (IC 95% : 1,10-1,16) ;
pour un arrêt > 1 an : HR = 1,03 (IC 95% : 1,01-1,05).
Le risque augmentait aussi bien pour les infections virales que bactériennes et concernait les infections du tractus gastro-intestinal, ORL et respiratoires basses, rénales et urinaires, du système musculosquelettique et du système nerveux central.
Les auteurs de l’étude estiment que ces résultats sont en accord avec ceux d’études précédentes mais que des études complémentaires sont nécessaires pour mieux identifier les groupes à haut risque et l’effet de la dose, de la durée et de l’arrêt du traitement sur ce risque.
Il s’agit d’une étude observationnelle. Malgré une correction pour plusieurs variables confondantes (p.ex. comorbidité chez la mère et l’enfant ; utilisation chronique de corticoïdes chez l’enfant), on ne peut exclure des biais résiduels et des variables confondantes non corrigées. De plus, dans cette étude, on ne connaît pas l’indication pour l’utilisation de l’IPP. On n’a donc pas pu faire la différence entre un traitement pour un reflux gastro-oesophagien et un traitement pour un reflux physiologique (donc uniquement régurgitation). Un avantage de cette étude est que les utilisateurs d'IPP ont été comparés à des utilisateurs d'antihistaminiques H2 ou d'antiacides, de sorte que tous les enfants inclus présentaient une forme ou une autre de symptômes gastro-intestinaux.
L’étude discutée ici renforce les indications selon lesquelles les IPP peuvent provoquer des (rares) effets indésirables graves, y compris chez l’enfant. Cette étude montre une augmentation du risque d'infections par rapport à l'utilisation d'antihistaminiques H2 ou d'antiacides. Il est regrettable que les antihistaminiques H2 ne soient plus disponibles en Belgique. Cette étude confirme ce que mentionne le Répertoire (chapitre 3.1. > Positionnement) concernant la place limitée des IPP chez les jeunes enfants : « le reflux est une plainte fréquente chez les nourrissons. Un traitement médicamenteux (par un IPP) ne se justifie que chez les enfants présentant une maladie de reflux associée à des symptômes inquiétants (p.ex. évolution pondérale anormale) ou à des complications (p.ex. œsophagite). Après 4 semaines, le traitement doit être évalué et il faut diminuer progressivement le traitement. L'utilisation d'IPP chez les nourrissons qui ne font que régurgiter n'est pas indiquée ».
Pour info :
Aucune des spécialités à base d’un IPP disponibles n’est autorisée pour une utilisation chez les enfants de moins d’un an (RCP’s consultés le 05/06/2024).
Les préparations magistrales à base d’oméprazole peuvent être remboursées sous certaines conditions.
Inhibiteurs de la pompe à protons : voir Répertoire
1 Lassalle et al. Proton Pump Inhibitor Use and Risk of Serious Infections in Young Children. JAMA Pediatr. 2023;177:1028-1038, doi:10.1001/jamapediatrics.2023.2900
2 Inhibiteurs de la pompe à protons chez les nourrissons : infections (suite). La Revue Prescrire 2024;44:189